Une embuscade des talibans a fait dix morts dans les rangs des soldats français. Le monde entier a condamné cette attaque et réitéré son soutien à la "lutte contre le terrorisme." Les talibans sont désormais à 50 kilomètres de Kaboul.Les insurgés talibans ont multiplié ces derniers jours les attaques d'envergure en Afghanistan malgré la présence de plus de 70 000 soldats de l'Isaf et de l'opération "Enforce Freedom" déployés dans tout le pays.
Après l'attaque à l'explosif, lundi et mardi, de deux bases américaines, qui a tué au moins douze civils, dont deux enfants, ce sont dix soldats français qui ont trouvé la mort hier matin, au terme de combats particulièrement violents menés à cinquante kilomètres à peine de la capitale, Kaboul.
Les soldats français, une patrouille de reconnaissance de l'Isaf, seraient tombés dans une embuscade de grande ampleur lundi soir, à laquelle ont participé cent insurgés. Une embuscade à laquelle auraient alors succédé de violents affrontements qui se sont poursuivis tout au long de la nuit jusqu'à mardi matin. "La patrouille initiale a reçu les renforts d'une force de réaction rapide, d'un soutien aérien rapproché et d'équipes médicales. Un grand nombre d'insurgés ont été tués au cours de l'engagement", a expliqué un porte-parole de l'Isaf.
Mais malgré les renforts, notamment par d'importants moyens aériens mis en oeuvre pour tenter de dégager les soldats pris aux pièges des talibans, et malgré le fait qu'un important chef taliban figure parmi les blessés, le bilan sera lourd pour les Français. Dix morts et vingt et un blessés. L'embuscade des talibans est l'attaque la plus meurtrière pour des soldats français depuis l'attentat du Drakkar à Beyrouth en 1983. C'était une "embuscade bien montée", a déclaré le chef d'état-major des armées françaises, le général Jean-Louis Georgelin. Les dix soldats venaient d'arriver depuis peu en Afghanistan, a-t-il expliqué à la presse.
Réactions
Le président français Nicolas Sarkozy, qui était attendu sur place mardi soir, a affirmé la détermination de la France à poursuivre la lutte contre le terrorisme. "Ma détermination est intacte. La France est résolue à poursuivre la lutte contre le terrorisme, pour la démocratie et la liberté. La cause est juste, c'est l'honneur de la France et de ses armées de la défendre", a-t-il ainsi affirmé.
Les condamnations ont également afflué de toutes parts, que ce soit des Etats-Unis, de Russie avec les condoléances exprimées par Medvedev au président Sarkozy, ou de Grande-Bretagne où Gordon Brown a rendu hommage au "sacrifice" des soldats français. "Leur sacrifice n'était pas seulement pour la France, mais pour tous ceux qui veulent aider le peuple afghan à construire un meilleur avenir pour eux-mêmes et un monde plus stable, a déclaré le Premier ministre britannique dans un communiqué. Nous sommes résolus dans notre détermination à défendre la liberté face à la violence et la tyrannie, et la Grande-Bretagne est fière de se tenir aux côtés de la France et de nos alliés pour cette cause." Le diplomate en chef de l'Union européenne, Javier Solana, a qualifié quant à lui "d'acte indigne et barbare" l'embuscade des talibans.
Drapeaux en berne
A Castres, dans le Tarn, où se trouve la base à du 8e Régiment parachutiste d'infanterie de marine (RPIMA) auquel appartenaient la plupart des dix soldats français décédés, les drapeaux ont été mis en berne par la mairie qui a ouvert un registre de condoléances pour les familles.
Quelque 176 soldats étrangers sont morts en Afghanistan depuis le début de l'année, selon un décompte de l'AFP basé sur les communiqués militaires. Depuis qu'ils ont été chassés du pouvoir fin 2001 par une coalition emmenée par les Etats-Unis, les talibans ont lancé une insurrection meurtrière qui a vu les violences redoubler d'intensité depuis deux ans. Environ 3 000 militaires français sont actuellement engagés en Afghanistan au sein de l'Isaf, principalement à Kaboul et dans la province de Kapisa, au nord-est de la capitale.
Dix jeunes parachutistes français sont morts mardi dans une vallée afghane, pris au piège des talibans qui ont attaqué le convoi français de toutes parts. Dix de plus qui s'ajoutent aux centaines de soldats tués, de victimes civiles et de morts talibans. Dix de trop.
Guerre contre le terrorisme ? Plus vraiment. L'offensive entamée fin 2001 pour traquer les militants d'al Qaida s'est lentement muée dans une guérilla à plusieurs fronts où se mêlent des attentats meurtriers, des embuscades, des assassinats et des frappes aériennes parfois imprécises de l'Otan.
Après quelques hivers de repos au Pakistan, les talibans sont revenus plus forts, toujours aussi radicaux. Désormais, leur ennemi est cette force internationale de 70 000 soldats qu'ils considèrent comme occupante sur le sol de l'islam. Hier la Russie, aujourd'hui l'Otan et son contingent belge.
Il n'y a rien de glorieux dans l'action menée par les moudjahidines qui opèrent sous l'ombrelle des talibans. Ceux-ci cherchent à renverser un gouvernement élu démocratiquement à Kaboul. La plupart des victimes de leurs attentats sont des civils afghans, pas assez riches pour s'offrir un gilet pare-balles. Ils tirent profit de la culture du pavot, grâce auquel ils achètent des armes. L'Otan agit sous mandat de l'Onu, avec pour mission d'aider et de former l'armée afghane.
Ce qui est inquiétant, c'est que la stratégie de la tension menée par la guérilla mine progressivement les efforts de reconstruction du pays. Les belles routes asphaltées construites grâce à l'aide américaine sont devenues dangereuses. Les organisations humanitaires restent de plus en plus cantonnées à Kaboul. Les riches afghans ont réinvesti à Dubai. Les investisseurs sont refroidis.
En plus des fronts classiques à l'est et au sud du pays, les talibans ont entrepris depuis plusieurs mois maintenant d'encercler Kaboul, la capitale, le maillon unificateur du pays.
Les soldats français ont été tués à une cinquantaine de kilomètres seulement de Kaboul, non loin de l'axe principal vers Jalalabad qu'empruntent quotidiennement des centaines de camions pakistanais. Les talibans et leurs alliés n'ont aucune difficulté à se mouvoir dans la capitale. Ils ne portent aucun insigne. Ils sont en grande partie afghans et circulent aisément dans la circulation chaotique de la ville. Les talibans n'ont pas les moyens de prendre le contrôle de la ville mais ils peuvent à tout moment frapper.
Leur stratégie, c'est la peur.
Sujet: La France en deuil de ses dix soldats 
Mer 20 Aoû - 16:01